« La seule chose dont on soit sûr, en ce qui concerne l'avenir, c'est qu'il n'est jamais conforme à nos prévisions. » Jean Dutourd
LA QUESTION DE L’AVENIR DU DISQUE FAIT L’OBJET, DEPUIS QUELQUES ANNÉES, D’UN VASTE DÉBAT. NOUS TENTERONS DONC DANS CETTE PARTIE DE RÉPONDRE À LA QUESTION « EST-CE QUE OUI OU NON L’INDUSTRIE DU DISQUE A-T-ELLE UN AVENIR ? » SANS ÊTRE TROP CATÉGORIQUES ET EN GARDANT UNE CERTAINE DISTANCE PAR RAPPORT AU SUJET. SANS ÊTRE NAÏVES NOUS ENVISAGERONS L’ÉVENTUALITÉ QUE CELLE-CI AIT UN AVENIR OU BIEN LA POSSIBILITÉ QU’ELLE DISPARAISSE. POUR CELA NOUS ANALYSERONS LES MOYENS MIS EN OEUVRE PAR LES PRODUCTEURS POUR FAIRE FACE À LA CRISE ÉTUDIÉE PRÉCÉDEMMENT, LES MOYENS DE PARADE À LA CRISE, PUIS NOUS NOUS PENCHERONS SUR LES OPTIONS QUI SE PRÉSENTENT AU DISQUE EN TERME D’AVENIR.
L’INDUSTRIE DU DISQUE SERA-T-ELLE CONTRAINTE FACE À L’ESSOR DES NOUVELLES TECHNOLOGIES À DISPARAÎTRE OU TROUVERA-T-ELLE UN AVANTAGE À LA MODERNISATION TECHNOLOGIQUE ET S’ÉPANOUIRA D’AUTANT PLUS ?
LES MOYENS DE PARADE
Les dispositions pour remédier à la crise s’incarne d’une part dans un durcissement législatif avec la mise en place de barrages et de lois où le mot « barrage » fait référence aux divers moyens de protection mis en place sur les fichiers et d’autre part dans un renouveau des stratégies commerciales.
Des barrages
ET DES
LOIS
Face à la crise du disque, les producteurs vont tout d’abord choisir une réponse purement défensive qui s’incarne par un renforcement de l’environnement juridique. Ce durcissement législatif est illustré par la mise en place de traités et de lois très répressives dans un but de limitation des échanges de fichiers notamment dans le cadre illégal.
La mise en place de verrous électroniques sur les disques et fichiers musicaux est aussi une mesure significative prise dans le cadre de ce renforcement juridique.
Adoptée en juin et promulgué le 1er août 2006, la loi relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information dite loi DADVSI est le premier texte qui illustre ce renforcement de l’environnement juridique. Il prévoit, en effet, de lourdes sanctions pour toute personne éditant, diffusant ou encore facilitant la diffusion de logiciels destinés à la mise à disposition non autorisée d’œuvres ou d’objets protègés, de tels logiciels permettant de casser les mesures techniques de protection de l’information instaurées : des amendes variant de 30 000 à 300 000 euros et des peines de prisons d’une durée allant de 6 mois à 3 ans. De telles mesures répressives visent tout d’abord à réduire le préjudice subi par les ayants droit par un système de compensation financière mais aussi à limiter le téléchargement illégal de fichiers et à décourager les pirates.
Les mesures techniques de protection de l’information en question font notamment référence aux DRM (digital right management). Utilisés pour la première fois en 2003 par Apple avec l’i Tunes Music Store, les DRM sont des verrous électroniques placés sur des fichiers musicaux par les producteurs qui ont cherché à doter leurs fichiers d’un degré élevé de protection afin d’empêcher la copie et la diffusion de ces fichiers sur les réseaux peer to peer. Plus largement, le but de la mise en place de DRM sur un fichier est d’empêcher toute utilisation opposée à la consommation pour lequel il est originellement prévu. Ainsi les fichiers vendus sur Internet sont souvent équipés de DRM qui définissent le nombre de copies autorisées et le degré de portabilité du fichier.
Cependant ces verrous électroniques posent des problèmes de compatibilité : entre contenu et contenant mais aussi avec les différents lecteurs existants. De plus, l’association de DRM au format mp3, par exemple, marque la fin du format mp3 dans son mode le plus favorable au concept d’interopérabilité. Aussi, l’industrie du disque comprendra que la construction de fichiers équipés de verrous numériques détourne les consommateurs vers des offres illégales plus faciles d’utilisation. Aujourd’hui, les DRM tendent donc à disparaître des plates-formes légales de téléchargement, rendant de fait obsolète cette loi controversée.
Si l’objectif premier de la loi DADVSI était la protection des droits d’auteurs sur Internet, elle prévoit aussi la mise en place de subventions. Même si juridiquement ce n’est pas vraiment une subvention, un crédit d’impôt pour la production d’œuvres phonographiques et de vidéoclips est établit dans le cadre de cette loi et suite à une demande de l’industrie du disque. En effet, ce mécanisme fiscal correspond à une réduction d’impôt, étant égal à 20% du montant total des dépenses de production de développement et de numérisation d’un enregistrement, et qui a été effective jusqu’au 31 décembre 2009. Les entreprises qui en sont bénéficiaires sont les entreprises de production phonographique telles que les labels et les maisons de disques.
De plus, ces différents textes régissent également le champ d'application de la copie privée, c'est-à-dire le droit à tout usager de procéder à la copie, l'enregistrement, la duplication et la sauvegarde pour un usage strictement personnel, des œuvres ou documents auquel il a légalement accès (à l'exclusion des supports, émissions ou fichiers dits piratés).
Plus récemment, et toujours dans la même lancée, deux textes sont en train de se mettre en place. Tout d’abord la loi Loppsi 2 adoptée par l’Assemblé nationale en décembre 2010 et L’ACTA, un traité international dit secret qui devraitt réformer les droits d’auteurs et devrait être ratifié dans le courant de 2011.
Les majors tels qu’Universal prévoit aussi une récupération des droits auprès des stations de radios ainsi que dans les lieux publics sonorisés (magasins, restaurant …)
Pour ce qui d’établir le bilan de la mise en place de ses toutes ces disposition, l’IFPI qui publie tous les ans son rapport sur l’état de l’industrie du disque constate un « retour » à la croissance dans le secteur musicale dans des pays tels que le Royaume-Uni, la Suède et se félicite de l’effet des lois anti-piratage. Cependant les pays choisis pour illustrer cette croissance ne sont pas choisis au hasard, en effet les mesures prises dans ces pays contre le piratage sont particulièrement draconiennes. Car dans les autres pays ses dispositions n’ont eu que très peu d’ampleur. Enfin, elle ne mentionne pas la mise en place de d’autres stratégies que le renforcement de l’environnement juridique qui sont en fait des stratégies commerciales.
Des
STRATÉGIES
COMMERCIALES
Si l’industrie du disque décide, d’un côté, de s’engager dans une lutte juridique acharnée ; de l’autre, elle met en place des stratégies commerciales aussi nombreuses que variées destinées à relancer le marché du disque. On peut cependant les rassembler en deux grands mouvements.
D’une part dans une optique de repli, une logique de regroupement, les acteurs de l’industrie du disque vont s’employer à illustrer le proverbe « L’union fait la force » en opérant des fusions et en formant des partenariats aussi bien de producteurs que d’artistes.
Tout d’abord les fusions entre producteurs qui sont, sur un marché en crise, censées permettre de sauver les marges en amortissant les coûts sur un chiffre d’affaires élargi, sont donc bien un premier modèle de regroupement. C’est ainsi que, ces dernières années, les majors du disque se sont regroupés. L’exemple le plus pertinent étant la fusion entre Sony Music Entertainment et BMG Music Entertainment qui a donnéieu, fin 2004, à Sony BMG Music Entertainment.
Enfin certains producteurs ou artistes vont choisir d’établir des partenariats avec d’autres entreprises ce qui permettra un renouveau des modes de distribution et leur permettra d’assurer a minima leurs ventes de CD. Parmi quelques exemples ont peut citer le partenariat entre le groupe australien AC/DC et les magasins Wal-Mart aux Etats-Unis qui ont eu l’exclusivité de la distribution de l’album Black Ice (2008) ou encore le groupe Kool & The Gang qui a distribué en France son album Still Kool (2007) avec les paquets de lessive Bonux.
D’autres manœuvres stratégiques ont aussi été mises en place par l’industrie du disque : sous forme de consolidation, de prises de participation dans le capital d’entreprises connexes…
D’autre part l’industrie du disque ne va pas se limiter à quelques alliances mais au contraire elle va prendre des initiatives pour reconquérir son marché et pour cela user de nombreuses stratégies commerciales et marketing et cette fois-ci dans une optique d’adaptation au nouvel environnement et de diversification. Différentes stratégies d’adaptation seront donc mises en œuvre.
Comme le dit Emmanuel Torregano dans son livre Vive la crise du disque « c’est le numérique ou la mort. », et ça, les entreprises le comprennent assez tard et c’est dans ce sens que des ventes au format numérique et la création de plateformes s’opèrent. Et pour protéger leurs fichiers de la copie, les producteurs passent des alliances avec des opérateurs télécom. Ainsi on observe l’alliance, en France, passé entre Universal Music et Neuf Cegetel. Mais ces ventes ne suffisent pas à compenser la baisse des ventes de CD, dans un premier temps, elles échouent sauf pour une entreprise : Apple. En effet itunes est l’une des seules plateformes de téléchargement légal qui subsiste.
Les producteurs ont aussi recours à des stratégies tarifaires en opérant à une baisse des prix des CD, mais encore une fois, celles-ci ne suffisent pas à compensés la chute des ventes car les consommateurs se sont déjà détournés des CD et préfèrent déjà le téléchargement. De plus les prix des CD ne sont que diminués de quelques euros, pas de quoi provoquer un retour massif de la consommation.
Le concept de compilation qui consiste à valoriser à moindre frais un fond déjà ancien. Les producteurs pensèrent ainsi reconquérir leur consommateurs en leurs proposant des « Best of » mais ces derniers ne furent pas du tout séduits, étant devenu plus exigeants.
Ils exploitèrent ensuite la relation artiste/fan en cherchant à monétiser cette relation qui devient une arme pour le marketing.
Le fan devient la cible des producteurs et surtout les « true fans » considérer comme prêts à dépenser sans compter pour l’artiste qu’ils idolâtrent. Mais ce qui le pousse à cette consommation, c’est l’impression d’exclusivité, de proximité avec leur artiste grâce aux réseaux sociaux, aux blogs … Ainsi si les vrais fans représentent 20% des clients, ils sont à l’origine de 80% des ventes.
Enfin, l’organisation de concerts, de live, de tournées est aussi un moyen pour les maisons de disques de surmonter la crise. Au Midem de 2007, la perspective de déplacer le curseur du disque vers la scène est évoquée. Ainsi, les artistes jouent à guichés fermés, les fans se battent pour avoir des places qui coûtent souvent chers. Le marché de la scène devient très lucratif.
La réaction de l’industrie du disque fut tardive et un peu trop répressive et même si elle a su mettre en place des stratégies d'adaptation, ces dernières ne suffisent pas, et les producteurs se retrouvent dépassés par les évènements. Le manque de réactivité des responsables dans la recherche d’offres commerciales adaptées au nouvel environnement numérique fait donc que l'industrie du disque est en péril. Son avenir est compromis et incertain.
UN AVENIR EN CAUSE
Le sujet très controversée de l’avenir du disque oppose deux jugements. D’une part celui selon lequel le disque serait voué à disparaître et d’autre part celui qui donnerai un avenir au disque mais différent dans le rôle qu’il a joué jusqu'à présent.
La
FIN DU
Concernant l’avenir du disque, beaucoup considère qu’il n’en a pas. Après être rentrés dans une nouvelle ère industrielle avec l’arrivée massive de nouvelles technologies et pas seulement au niveau de la musique, il est normal de considérer que ce pourrait bien être la fin du disque.
En effet, face à de nouvelles technologies et notamment le p2p, le disque est devenu obsolète en tant que support de la musique.
Ces évolutions technologiques ayant entraînées de nouveaux besoins des consommateurs, les producteurs ne se voient plus en mesure de satisfaire ces besoins avec le disque compact.
Mais les producteurs s’était rendu compte de cela, et c’est dans cette optique qu’ils avaient diversifiés leurs offres en proposant des fichiers numériques. Cependant, dans un premier temps, ces politiques de diversification ne correspondent pas aux attentes des consommateurs en raison d’une certaine immobilité des offres accompagnée d’une politique de prix très mal adaptée. De plus ces offres sont proposées sur des espaces très limités ce qui risque de ralentir le développement de la distribution de musique numérique.
C’est donc encore un échec pour l’industrie du disque qui, là encore n’a pas su s’adapter et est restée figée dans ses valeurs sans chercher à revoir son approche marketing. Car enfin elle ne pouvait prétendre faire concurrence à des offres comme celle d’Itunes avec le prix de 0.99 euro pour une chanson ou même à l’offre gratuite dans le cadre du téléchargement illégal.
Cependant ce n’est pas le seul autre avantage qu’offre les fichiers numériques. En effet le format mp3 en permettant une certaine portabilité via une miniaturisation du support ainsi que des gains de stockage grâce à un taux de compression élevé semble répondre aux attentes des consommateurs pour un nouveau type de consommation que le disque ne permettrait pas. De plus le p2p qui correspond à l’échange de fichiers informatiques représente une rupture positive dans les habitudes de consommation.
Mais dans un second temps, après avoir appris de leurs erreurs, les producteurs reviennent avec des offres de fichiers au format numérique plus diversifiées et plus attrayantes. Ainsi, fin 2006, ils proposent des phonogrammes sur des supports nouveaux et variés :
Sony BMG propose le dernier album de Joey Starr, sur clé USB et baladeur mp3, accompagné d’une interview de Philippe Manœuvre et d’une sonnerie de téléphone portable ou encore, Warner Music propose une chaîne hi-fi comprenant 300 à 400 titres de son catalogue. Enfin, Emtec vend une clé USB avec 15 heures de musique classique sélectionnées par Alain Duault.
Aussi, on peut voir à travers ces exemples que même les producteurs de disques commencent à se détachés du support du disque. On comprend alors que le disque est devenu dépassé.
Schumpeter parlait de destruction créatrice, et si l’on suit son raisonnement, après l’innovation majeure que représente le disque, la phase de croissance qui s’en est résulté suivie d’une phase de dépression forte qui tendrait vers la disparition de ce secteur d’activité, on devrait assister au phénomène de destruction créatrice. La fin du disque correspondrait ainsi à la création de nouvelles activités économiques et peut-être à la naissance d’une nouvelle industrie.
Mais si le disque n’était pas voué à disparaître ?
Un
REPRISE ?
"Le disque physique a encore de l'avenir" Pascal Nègre
De plus, le disque tient aussi le rôle de support cadeau. En effet, le fait qu’il soit matériel et tangible lui laisse un avantage par rapport aux fichiers de format mp3. Il conserve donc malgré tout cette fonction de cadeau que l’on peut difficilement attribué à des fichiers immatériels.
Il peut être intéressant de comparer la crise qui touche l’industrie du disque depuis 2002 et la crise due à l’émergence de la radio dans les années 1920 même si ces deux crises n’ont pas la même ampleur ou le même impact. Alors qu’au début, l’apparition de la radio fait chuter les ventes d’environ 95 % (on passe de 106 millions à 6 millions de ventes), les radios et les producteurs de disque vont finalement se rapprocher et la radio deviendra le média préféré des maisons de disques. Il pourrait en être de même avec les nouvelles technologies qui sont à la base de la « crise du disque », le développement de ces nouvelles formes d’échanges, de support de la musique pourraient profiter à l’Industrie du disque et jouer en faveur de celle-ci.
En effet, Internet offre de nombreuses opportunités que les acteurs de cette industrie doivent saisir. Elles favoriseraient alors la communication et le développement des réseaux de distribution et permettrait alors un élargissement du paysage musical, donc de l’offre. Ces phénomènes favoriseraient par la même occasion la distribution du disque.
Par exemple, l’échange illégal de fichiers entre internautes favorise la visibilité des artistes, permettant au plus grand nombre d’avoir accès à un répertoire très étendu. Ces échanges permis notamment grâce aux réseaux p2p permette le développement d’une culture de masse qui bénéficie à l’industrie du disque.
Les nouvelles technologies pourraient ainsi devenir un vecteur d’information important dans un but marketing et entraînerait la formations d’externalités positives de réseau de ces organisations.
Elles auraient donc un impact infomédiaire sur les consommateurs ce qui pourrait devenir une puissante arme marketing pour l’industrie du disque.
En effet comme le disait le cabinet d’étude Juniper Networks qui estimait que les recettes issues des téléchargements payants ne parviendraient à compenser la chute des ventes de CD qu’en 2010, au midem de 2010 qui a eu lieu tout récemment, à Cannes, le bilan de l’année 2010 rendait compte d’une petite reprise au niveau des ventes. L’industrie du disque ne serait donc peut être pas perdue !
Enfin, même si l’on peut considérer que le disque est obsolète, il représente tout de même 90% des ventes totale de musique enregistrée.