II Une industrie en crise

 ENTRE 2002 ET 2008, LE MARCHÉ DU DISQUE A PERDU 53% DE SON CHIFFRE D’AFFAIRES. LES CHIFFRES PARLENT D’EUX MÊMES, DEPUIS 2002 L’INDUSTRIE DU DISQUE EST ENTRÉE DANS UNE CRISE MAJEURE ET PROFONDE ET LES PRÉVISIONS  QUANT À L’AVENIR DE CETTE INDUSTRIE SONT INQUIÉTANTES.


    TOUT AU LONG DE SON HISTOIRE, L’INDUSTRIE DE LA MUSIQUE A CONNU DE PETITES CRISES RELATIVES À D’IMPORTANTS CHANGEMENTS STRUCTURELS. MAIS DEPUIS 1999, LES VENTES DE CD S’ÉRODENT SUR LES MARCHÉS AMÉRICAINS ET EUROPÉENS. DURANT CETTE PÉRIODE INTERNET SE DÉVELOPPE, ET AVEC LUI LES APPLICATIONS PERMETTANT LES ÉCHANGES DE FICHIERS DONT LE PEER-TO-PEER (P2P).
CETTE CRISE QUE L’ON NOMME COMMUNÉMENT « CRISE DU DISQUE » LIMITERA CONSIDÉRABLEMENT L’IMPACT DU DISQUE SUR LA SOCIÉTÉ. ON VERRA QU’À L’ORIGINE DE CETTE CRISE SE TROUVENT DES CAUSES MULTIPLES ET QUE CETTE CRISE AURA DE FORTES CONSEQUENCES, DES RÉPERCURTIONS IMPORTANTES SUR TOUS LES ACTEURS DE CETTE INDUSTRIE AINSI QUE SUR LE MARCHÉ DU DISQUE.


DES CAUSES MULTIPLES
  
La dématérialisation de la musique et le conservatisme des industries musicales sont les deux principaux facteurs à l’origine de cette crise.


La DÉMATÉRIALISATION
DE LA MUSIQUE

      L’expression « musique dématérialisée » est souvent employée pour désigner les différentes possibilités de circulation de la musique sur Internet. Elle est pour la première fois mentionnée dans un article du site l’Atelier en Octobre 1999 : «  Internet et l’industrie musicale : de désintermédiation à dématérialisation ».
Mais cette expression est en fait un abus de langage puisque la musique est par essence même immatérielle, c’est une vibration, une onde qui ne se voit pas et qui de diffuse dans l’air ambiant. On devrait en fait employer le terme de phonogramme, c’est-à-dire des sons fixés, enregistrés, qui serait plus adapté. Cependant l’expression s’étant répandu et vulgarisé, il serait difficile de la changer.
L’émergence de cette expression correspond au début de la popularisation du format mp3 et du téléchargement de fichiers sonores qui se situe vers la fin des années 90.
Aussi « la dématérialisation de la musique » correspond en fait au détachement de la musique enregistrée ou du phonogramme de son support associé qui jusqu’à présent était le disque, support matériel et tangible.
Cette dématérialisation de la musique est engendrée par le développement d’Internet et la croissance du parc informatique des consommateurs ainsi que le format mp3.
Tout d’abord le développement d’Internet, son essor, qui a lieu à la fin des années 90 et qui reste le facteur principal à ce processus de dématérialisation musicale, est en fait à l’origine de beaucoup de phénomènes lui-même. Car enfin, ce n’est pas l’essor en soi d’internet qui va causer la dématérialisation du support mais bien les conséquences de ce développement qui sont : l’augmentation du piratage avec le développement de réseaux peer-to-peer, une nouvelle offre (légale) de fichiers musicaux et la musique ligne. Tout ceci contribuera d’ailleurs à accroître le parc informatique des consommateurs.

       Les réseaux p2p (peer-to-peer) sont des plateformes où les internautes peuvent s’échanger massivement des fichiers, et en particuliers des fichiers musicaux pour un coût marginal quasiment nul. Ce sont des réseaux comme Kazaa ou Gnutella ou  encore Napster. Cependant ces échanges de musique au format numérique qui sont par ailleurs très sécurisés ( protégés par l’anonymat…) sont considérés comme « pirates ». Ils représenteraient une menace pour l’économie de l’industrie du disque et dans ce sens, la Recording Industry Association of America, le syndicat de l’industrie du disque aux Etats-Unis,déclarait que les échanges de fichiers sur les réseaux P2P était la cause principale de la baisse de 14% des ventes de CD entre 1999 et 2002.
            Ces échanges de fichiers se font la plupart du temps dans le cadre due téléchargement illégal, ce qui crée dans le cadre du téléchargement de fichiers musicaux une vaste économie souterraine. Même si cette dernière est difficile à chiffrer, elle fait inéluctablement chuter les ventes de CD.
             Les Majors dénoncent une certaine banalisation, familiarisation du téléchargement illégal. Selon Pascal Nègre, directeur d’Universal Music France : « certains estiment que nous n’avons pas vu la crise arriver, c’est débile. Nous l’avons anticipé. » Le patron d’Universal fait alors clairement référence au téléchargement illégal. Yves Riesel, fondateur de la plateforme Qobuz explique : « cela fait 10 ans que la piraterie a envahi le marché ».Pascal Nègre ajoute alors : « J’autorise tout le monde à pirater un album qu’il ne trouve pas de manière légale. Cette excuse de l’offre n’est pas un argument. Les sites de téléchargement doivent se donner du mal pour être les meilleurs ».
            Le téléchargement légal est aussi un exemple de dématérialisation de la musique et même si dans son cadre, un bénéfice est fait, celui-ci reste très inférieur que lors de la vente d’un CD.

Mais ces échanges et ces transferts de fichiers n’auraient  pas été possible sans le format mp3 aussi appelé standard mp3. En effet il fait parti des standards de compression qui en réduisant fortement la taille d’un fichier musicale ont permis la numérisation du « bien musicale » qui permet la reproduction pour un coût marginal nul.
L’innovation qu’a constitué le format mp3 a entraîné des grappes d’innovation autour de ce standard tel que tout les lecteurs mp3, les ipods qui ne cessent d’évoluer, de s’améliorer
Depuis le format mp3 a lui aussi beaucoup évolué et on trouve actuellement des fichiers au format mp4, capables de contenir des vidéos, tandis que le format mp5, même s’il ne constitue pas une grande révolution, commence à se diffuser peu à peu.

 







On voit bien à travers les exemples étudiés précédemment que les progrès récents que représentent les NTIC (Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication) sont à la base de phénomènes comme la dématérialisation de la musique et la numérisation du « bien musical ».
Les avantages de ces modes d’acquisition de la musique enregistrée qui sont l'instantanéité d’accès à la ressource, un coût défiant toute concurrence par rapport aux ventes de CD et dans le cadre du téléchargement illégal, la gratuité, mais aussi le fait que l’on puisse se passer de l’intermédiaire final amène, en effet, le consommateur à préférer tous ces modes de consommations( même si dans le cadre du téléchargement illégal, ce n’est pas de la consommation) plutôt que le disque.

Enfin un exemple assez isolé, celui de la musique en ligne, gratuite, poster sur des sites d’écoutes, de streaming tels que Youtube ou Deezer mais aussi diffusée grâce aux radios en ligne ou aux radios adaptatives (exemple :musicmatch). La musique en ligne est encore une forme de consommation nouvelle, récente qui s’inscrit dans le mouvement de dématérialisation de la musique.

Aussi comme l’énonce le quotidien français Le Monde, en 2008, la chute du marché du disque est en grande partie du à « l’arrivée massive de nouveaux médias (téléphonie, Web, baladeurs numériques …) et les habitudes de gratuités acquises par les consommateurs ».                                                                       
Mais même si les majors et les labels n’hésite pas à pointer du doit Internet et les pirates qui certes occupent un grand rôle dans cette crise puisqu’ils en sont en majorité responsable, un autre facteur significatif de cette crise que l’on appellera le conservatisme des industries musicales entre aussi en compte.



Le conservatisme
DES INDUSTRIES
MUSICALES

À chaque évolution technologique, que ce soit la radio, la cassette audio, la magnétoscope, les lecteurs mp3 et maintenant Internet, les industries culturelles ont toujours donné de fausses alertes.
La guerre juridique contre les innovations d’Internet a commencé en 2000 avec Napster. Ensuite les industries culturelles ont tardé à  mettre en place des offres légales. Actuellement, l’offre du téléchargement légal est  très restreinte, et soumise à peu de concurrence, ce qui ne favorise ni l’innovation, ni  l’attractivité des ces offres. Actuellement les ventes de CD chutent alors que l’offre légale commence à décoller.
Dès qu’on aborde le débat de la musique sur Internet, on entend dire que  le téléchargement illégal est la cause de la baisse des ventes de CD. Donc le téléchargement illégal tuerait  les maisons de disque, les petits artistes et les métiers de la musique.
Il faut remettre en cause ce raisonnement. Premièrement, il ne faut pas faire l’amalgame entre la  vente de CD et la rémunération des artistes. Les artistes et les maisons de disque ont d’autres revenus que le CD, dont certains qui sont apparus en même temps que le téléchargement illégal, comme le DVD. Et il y a d’autres revenus qui restent à inventer, à perfectionner, notamment le téléchargement légal.
Deuxièmement, le principal reproche fait au téléchargement illégal est d’entraîner la baisse des ventes de CD. Cependant  aucune étude scientifique sérieuse n’a démontré la causalité totale entre baisse de ventes du CD et essor de l’Internet à haut-débit. Il y a certainement eu effet sur le CD, mais il n’explique pas tout, loin de là.
D’ailleurs, une étude demandée par le gouvernement canadien en 2007 a montré que ceux qui téléchargent le plus sur les réseaux peer to peer illégaux, sont aussi ceux qui achètent le plus de CD, ceux qui vont le plus aux concerts, etc.
Les baisses des ventes du CD ont de multiples autres raisons. Premièrement, ace aux nouvelles technologies, le CD est un support obsolète, de qualité complètement dépassée. En plus, il est trop cher, les marges réalisées sont bien  trop importantes et c’est ici encore que l’on retrouve ne forme de conservatisme chez les producteurs qui ne veulent pas baisser ces prix ou très difficilement. On remarque d’ailleurs que le disque vinyle était de plus grande qualité de son, et bien qu’il coûtait  plus cher à produire, il était vendu moins cher que le CD !

Enfin,  le CD n’apporte aucune valeur ajoutée au niveau du son, mais seulement une boîte, un livret (avec les paroles par exemple), ce qui explique qu’il existe encore parallèlement à Itunes par exemple (qui est presque aussi cher que le CD si on enlève le coût de production !)

La dématérialisation de la musique et le conservatisme des industries musicales sont finalement les deux principaux facteurs qui ont provoqués la crise du disque. Une crise qui a eu de fortes conséquences.



DES CONSÉQUENCES IMPORTANTES




         Les conséquences de la crise du disque, en plus d’être économiques car on observe une chute vertigineuse des ventes de CD depuis 2002 au profit des ventes numériques, se ressentent aussi au niveau des acteurs de l’industrie du disque.


Les artistes
ET LEURS
LABELS


    Durant de nombreuses années, ce qui a été le plus profitable pour l’Industrie de la musique était les modes adolescentes. En 1957, Paul Anka devenait la première teenage idol de l’histoire de la musique, et depuis cette industrie s’est perfectionnée.
        Au début des années 2000, Britney Spears détrône Paul Anka et vend des disques par millions. Tous les produits dérivés portant la marque Britney Spears se vendent comme des petits pains, pour les majors comme Warner, Sony, BMG, EMI ou encore Universal, elle représente un marché colossal.                                                                                                                                                                                                                                                   Mais, se profile à l’horizon, la crise du disque. Celle-ci prend une ampleur mondiale. On observe en France, de 2002 à 2006, une baisse des ventes d’albums de 40%. En 2004, 177.6 millions d’euros étaient dépensés pour le marketing et la promotion des albums. En 2006, ce chiffre est de 129.6 millions d’euros soit une baisse d’environ 27%. Les investissements concernant les albums internationaux sur le marché du disque français ont commencé à diminuer en 2002, passant de 51.8 millions d’euros à 35.3 millions d’euros en 2006, ce qui traduit une crise antérieure aux Etats-Unis. Malgré cette crise, certains artistes comme Madonna, Justin Timberlake, Shakira ou Pink, sont toujours soutenus par d’importantes dépenses de promotion. Les nouveaux artistes (des Strokes à Franz Ferdinand) sont eux aussi soutenus, mais avec une ampleur plus modeste et bénéficient d’une esthétique, d’une image beaucoup moins travaillée.
       
 Ces artistes ne sont pas des artistes inaccessibles qui triomphent par Internet mais le « Guy next door », le gars du coin de la  rue, qui dispose des outils accessibles à tout le monde. Kamini, Arctic Monkeys, ou les Klaxons sont devenus célèbre grâce à cela.                                                                                                                                        
        Le marketing de la pop mondiale et l’esprit Myspace sont peu compatibles. Combien de français n’ont pas vu des dizaines (voire des centaines de fois) Marly-Gomont sur leur écran d’ordinateur, et téléchargé sur leur MP3 sans avoir à payer un centime ? Cette mise à disposition gratuite des contenus aurait pu se révéler profitable : en effet  10 millions de pages ont été vues, mais le problème est que  seulement 200 000 exemplaires de son single ont été vendus  et 100 000 sonneries de téléphone ont été  achetées. Aucune prévision, aucune prédiction, aucun plan marketing n'aurait pu anticiper ce succès.                                                                                                                      
        Pour faire face à la crise, les nouvelles stratégies marketing classiques adaptées au nouveau marché n'est pas suffisant. Car, pour vendre des disques, il faut que quelqu'un les achète - et ce « quelqu'un » est de plus en plus rare. Depuis des années, les géants du disque tirent profit du jeune public et de modes crées. C'est par classe d'âge que les adolescent(e) se sont précipités, successivement, sur Michael Jackson ou Britney Spears.                                                                     
Or, aujourd'hui, les jeunes  sont de plus en plus étrangers au  marché de la musique.

        Selon le Figaro : « En France, le budget mensuel moyen consacré à l'achat de musique a diminué de 35 % (de 23 euros à 15 euros) pour la tranche 11-14 ans entre 2004 et 2006, de 27 % pour les 15-19 ans, de 40 % pour les 20-29 ans, alors qu'il est stable (toujours 22 euros par mois) pour les 30-39 ans.».
         Les majors voient s'échapper ainsi leurs meilleurs clients. De manière plus ou moins explicite, les grandes maisons de disques pourraient réorienter leurs stratégies vers les trentenaires et leurs aînés, qui commencent à prendre la place des jeunes au niveau de l'industrie du disque.
                                                                                                                                                                      
     L'abandon d’un public jeune par les majors est peut-être la plus curieuse conséquence culturelle de la crise du disque : après avoir été chéris par l'industrie, les préadolescents et adolescents commencent à en être délaissés. Car, malgré les ombreux obstacles mis au téléchargement illégal, il est possible qu'il ne se trouve pas, à terme, de stratégie pour vendre de la musique à une génération qui ne veut pas en acheter. Voilà pourquoi on pourra peut-être voir Britney Spears vieillir sans concurrente.


Majors et
MAISONS
DE DISQUES

Dans le cadre du téléchargement illégal, aucun bénéfice n’est fait.


Les consommateurs, face aux prix attractifs des fichiers sur les plateformes de téléchargement, désertent les grandes surfaces pour acheter leurs cd. Ainsi, on remarque que sur le site de téléchargement Itunes, l’album de Rihanna, Rated R, est à 9.99 € sur Itunes pour 13 morceaux (soit environ à 0.80 cts la chanson) tandis qu’en grande surface, l’album est à 19.99€ soit une différence de 10€. L’album de Serge Gainsbourg, Initials B.B., incluant 12 morceaux peu récents, est vendu (au 1er février 2010) à 1,29 € le titre ou à 9,99 € l’album à télécharger sur la plateforme musique d’Orange/Universal Music ; le même album est proposée à 0,99 € le titre sur fnac.com (prix identique pour l’album), tandis que ce même site vend le CD à… 10 € ! La différence de un centime d’Euro ne représentant certainement pas  le coût de fabrication, de conditionnement, de transport et de distribution…
            Face à cela, il est logique que le consommateur ai recours au téléchargement légal et pour certains illégal.



Selon le site irma.asso.fr : « Le Syndicat des détaillants spécialisés du disque (SDSD), regroupant notamment la Fnac et Virgin Stores, a commandé à l’institut GfK une étude sur les "acheteurs réguliers" de musique enregistrée. 1er constat : les moins de 25 ne consomment pas de la même manière que leurs aînés. »  Toujours d’après ce même site, 81% des personnes interrogés pensent que posséder un cd est valorisant et 28% estiment que le cd est moins adapté à la façon dont ils écoutent de la musique, part qui passe à 60%  chez les 15-24 ans. 66% des personnes interrogées, disent écouter de la musique de manière sédentaire, à la maison ou au travail, et 33% de façon occasionnelle. 46% de ces personnes achètent plus d’un cd par mois et 61 % ont téléchargé au moins un titre sur des sites de téléchargement payants lors des trois derniers mois.
Au vu des ces résultats, les majors trouveront-ils des  solutions pour remédier à cette crise qui n’a pas montré un signe  de faiblesse depuis 2002, et quel est l’avenir de cette industrie ?